Une photographie peut avoir initialement plein d’autres fonctions que celle de faire réfléchir. Et je n’ai pas la prétention de vouloir susciter la réflexion à travers mes photos mais j’avoue qu’un grand nombre de situations rencontrées lors de mes pérégrinations photographiques m’ont amené à me poser des tonnes de questions.
Je vous donne un exemple :
Ces derniers temps, je vois de plus en plus de personnes porter un maillot de foot numéroté, au point d’ailleurs de me demander si nous ne sommes pas en train de devenir des numéros. Il m’est venu à l’idée de les photographier en les associant aux chiffres qui sont très répandus dans l’espace urbain pour renforcer l’idée que les chiffres occupent une place centrale dans notre société.
La série télévisée britannique Le Prisonnier (The prisonnier) que j’ai découvert à la fin des années 80 évoque l’aliénation humaine dans un monde où les personnages sont des numéros. Elle fait partie des série qui ont marqué mon enfance.
J’observe régulièrement ce qui se joue dans la rue. La rue est un peu comme une scène où se joue notre propre comédie sociale. je trouve que c’est un miroir qui reflète merveilleusement bien les tendances actuelles.
Clairement, les chiffres sont partout !
Soit ils représentent un interdit (limitations de vitesse, de temps, articles de loi, etc.), une classification (numero de rue, temps, étages, plaques d’immatriculation, etc.) ou un montant lié aux coût de la vie. Ce dernier point domine de très loin les deux autres catégories.
Vous ne vous êtes pas rendus compte que les médias parlent souvent des chiffres ?
Les chiffres du chômage, les taux de croissance, les statistiques, le CAC 40, les températures, l’âge de la retraite, le 49.3, l’heure, la date, etc.
De plus, n’est-il pas étrange de s’identifier à des footballeurs dont le revenu d’un jour dépasse, pour la plupart d’entre nous, le salaire annuel ?
Selon le classement du magazine Forbes, Kylian Mbappé va gagner pour la saison 2022-2023 un montant estimé à 128 millions de dollars ! Et le comble, c’est qu’une partie de ses revenus vient de la vente de ces fameux maillots que nous portons sans réaliser que nous participons directement à alimenter cette forme d’indécence de la loi du marché.
Elon Musk, le dirigeant de Tesla, Space X et Twitter a été accueilli dernièrement par les gouvernements chinois et français comme un véritable homme d’État alors qu’il n’est qu’un homme d’affaires. Certes, l’homme le plus riche du monde à la tête d’une fortune estimée à 192 milliards de dollars.
Le pouvoir et l’argent semblent être liés. Il est évident que le système politique est largement influencé par ceux qui ont de l’argent. Donald Trump est devenu président des États-unis car c’était un homme d’affaires milliardaire très influent. D’ailleurs Elon Musk à toutes ses chances de le devenir également.
Les chiffres présents dans notre société pourraient donc faire l’objet d’une série photographique sous la forme d’un portfolio ou même d’un livre tellement le champ exploratoire de ce sujet est vaste.
Par exemple, je pourrais intituler cette série « Et si l’histoire nous était comptée ».
Mais quelle est notre relation fondamentale avec les chiffres sans considération politique ou économique ? Sans aucun doute le temps ! Ce fameux sablier dont on ne connaît pas la durée exacte et qui confère à notre existence la conscience d’une expérience précieuse dans les choix de vie que nous faisons. Ainsi, les chiffres n’abordent pas seulement la notion de quantité mais évoquent surtout la qualité de vie que nous allons choisir de vivre.
Vous voyez à quel point la photo de rue me fait cogiter ?
Pour en revenir aux chiffres d’une manière plus métaphorique, la photographie de rue, c’est un peu comme le loto, on ne sait jamais quelle scène va s’offrir à nous et attirer notre attention. Comme l’écrit Joseph Koudelka dans son livre « Exils » : « Je ne prévois pas mes photos, la seule chose que je cherche c’est l’endroit où une photo va m’attendre ».
Alors oui ! La photographie suscite la réflexion. Surtout la photographie de rue ou celle qui traite de l’actualité humaine.
Les photographies qui documentent la vie dans l’espace public peuvent réveiller des émotions fortes chez les spectateurs, qu’il s’agisse de joie, de tristesse, d’empathie, de colère ou de fascination. Ces émotions peuvent stimuler la réflexions sur nos propres expériences, nos valeurs et notre relation avec le monde qui nous entoure.
La photographie capturant des scènes de la vie sociale est donc pour moi une forme d’expression artistique puissante qui invite à la réflexion en nous faisant prendre conscience de la réalité sociale, culturelle et humaine qui nous entoure. Elle peut nous inciter à voir le monde d’une manière nouvelle et différente.
Et c’est sans doute pour cela que la photographie de rue m’attire autant. Elle est un merveilleux moyen de réfléchir sur la nature humaine.
Il existe plusieurs photographies qui ont marqué l’histoire comme celle de « Tank man » prise par Jeff Widener en 1989. Elle montre un homme qui fait face à une colonne de chars sur la place Tian’anmen à Pékin. Cette photo est devenue un symbole de résistance pacifique et de lutte pour la liberté.
Mais au-delà de ces photos connues du grand public et prises par des reporters, la photo de rue fait ce qu’aucun photojournaliste ne fait. Elle capte des scènes du quotidien qui n’intéressent pas la presse. Les photographes de rue s’intéressent aux gens comme vous et moi qui vivent dans les villes.
Et c’est justement ce qui fait la richesse de cet art photographique. La photographie de rue est donc bien plus importante qu’elle n’y parait à première vue. Elle nous montre la vraie vie de tous les jours à laquelle nous pouvons nous identifier plus facilement. Elle offre un regard intimiste sur la société et documente l’histoire autrement que la presse qui se concentre plutôt sur des évènements d’actualité et des sujets d’intérêt public.
La photographie de rue est poétique, historique, philosophique, surréaliste, artistique, existentielle, esthétique, etc. Elle devrait être enseignée à l’école et même être inscrite au patrimoine de l’humanité.
Qu’en pensez-vous ?
À bientôt !
Mais oui !!! Super éclairage, comme toujours, sur ton travail d’artiste . Tu participes avec tes images à nous ouvrir les yeux. Bravo !
Merci Valérie pour ton soutien et tes commentaires très encourageants !
D’accord avec tout ce que tu dis sur la photo de rue. Tes photos parlent d’elles-mêmes, d’ailleurs.
Pour l’anecdote, j’envisage de visiter le Pays de Galles l’été prochain et je compte bien me rendre à Portmeirion, le village où fut tourné le Prisonnier. Série, que j’ai adorée également.
Merci Francine ! Je ne savais pas que la série avait été tournée à Portmeirion. Attention à toi! Le village est peut-être encore sous l’emprise de la série. Blague à part, très bon voyage !!!
J’ai eu une discussion il y a quelques semaines à ce sujet. Au sujet de ce qui se cache derrière les photos. Apparemment j’étais la seule à pouvoir en parler, alors heureuse de lire cet article !
Effectivement, on ne s’imagine pas toujours tout ce qui se cache derrière les photos de rue. C’est une mine d’or en termes de réflexion sur la vie. Merci pour votre commentaire Monique !
Sociologique aussi !
Ce n’est pas une étude sociologique à proprement parlé mais c’est forcément sociologique puisque cela aborde la société. Merci Isabelle pour ton commentaire !